Jacques Delcuvellerie (Be
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Metteur en scène - Auteur - Pédagogue

pour le mot MINEUR (e)(s)

Ouverture de la discussion avec Hourya Bentouhami, agrégée de philosophie, ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure-lsh, enseigne actuellement la philosophie politique à Paris VII où elle a effectué une thèse sur la non-violence à partir des théories de la reconnaissance et de la théorie critique post coloniale.

Eléments biographiques /

Français travaillant en Belgique, Jacques DELCUVELLERIE a poursuivi des études d’arts plastiques, de communication sociale avant d’être diplômé de l’Institut National Supérieur des Arts du Spectacle (INSAS - Bruxelles). L’essentiel de son activité est, depuis 1980, lié au GROUPOV dont il est le fondateur et le directeur artistique.
Si la pratique du GROUPOV a connu des phases très différentes, elle présente depuis les origines certaines caractéristiques récurrentes : L’association d’artistes, ayant par ailleurs une carrière autonome, dans la gestation progressive d’une création commune sous la conduite d’un « maître d’œuvre ». Aussi bien le premier événement public du GROUPOV : IL Y A DES ÉVÉNEMENTS TELLEMENT BIEN PROGRAMMÉS QU’ILS SONT INOUBLIABLES AVANT MÊME D’AVOIR EU LIEU (1981) que les spectacles : RWANDA 94 et ANATHÈME, sont élaborés selon cette démarche ; La permutation et/ou le flottement des fonctions : acteurs devenant metteur en scène, vidéaste s’exposant dans des « performances » physiques, etc ; Une constante interrogation sur la question de la représentation, sur ses limites, sur les frontières troubles entre réel et symbolique dans un art qui se réalise en chair et en os, hic et nunc ; Le maintien, parallèlement à la création de spectacles, d’une activité purement expérimentale. C’est pourquoi, depuis quelques années, le GROUPOV s’est désigné comme Centre Expérimental de Culture Active, indiquant par là qu’il n’est pas seulement une entreprise théâtrale. A titre d’exemple, le GROUPOV a organisé régulièrement depuis 1993 des sessions de travail de cinq jours et cinq nuits dans la forêt, dénommées Les Clairières. Ces expériences poursuivent à leur manière les essais de Grotowski de l’époque du Special Project ou de groupes comme L’Avventura. Elles n’ont aucun rapport avec le spectacle et les participants ne sont pas nécessairement des artistes.
Sur le plan créatif, on peut distinguer trois périodes dans le travail de Jacques DELCUVELLERIE et du GROUPOV : La période de l’Atelier de Recherches Permanentes sur Les Restes : elle a donné lieu à des événements publics très particuliers, d’une durée de quelques minutes ou au contraire six à sept heures. Le GROUPOV se sentait alors proche de démarches comme le Squat Theater et son Andy Warhol’s Last Love, les performances de Fluxus, etc ; La période du triptyque Vérité : après KONIEC (genre-théâtre) (1987) qui confrontait LA MOUETTE de Tchékhov aux recherches précédentes du GROUPOV et à Heiner Müller (entre autres), Jacques DELCUVELLERIE publie Lettre à celle qui écrit Lulu Love Life, Cinq conditions pour travailler dans la vérité en 1989 (dans Alternatives Théâtrales n°44). La question de la période de recherche sur Les Restes était : le théâtre se donne, de facto, qu’il le veuille ou non, comme la représentation du monde ; quand il n’y a plus de vision du monde, de quel droit, sur quelle légitimité, avec quelles méthodes et quelle morale ose-t-on organiser une représentation qui ne soit pas futile ? Dans cette nouvelle phase la question est devenue : il reste bien une vision du monde, celle de ceux qui le dirigent et l’écrasent, peut-on se forger encore une vision alternative ? Dans un premier temps, le GROUPOV décida d’aller revisiter les auteurs dont le génie dramatique ne s’était pas appauvri mais au contraire dynamisé d’une vision du monde globalisante et structurée, une vision qu’ils tenaient pour « la vérité ». Dans cette période le GROUPOV a donc monté des dramaturges contemporains et notamment Claudel et Brecht. Il a aussi créé TRASH (a lonely prayer) de Marie-France COLLARD et Jacques DELCUVELLERIE sur l’exploration des états-limite de l’érotisme et du terrorisme.
De toutes les expériences de cette période c’est la redécouverte du travail de Brecht, à travers une très longue et très minutieuse préparation de LA MÈRE, qui a profondément changé l’orientation du GROUPOV.
Dernière création : UN UOMO DI MENO (Fare Thee Well Tovaritch Homo Sapiens) (mars/avril 2010, Théâtre National, Bruxelles), spectacle fleuve de 7 heures écrit et mis en scène par Jacques Delcuvellerie – après une longue phase de recherches collectives, et salué unanimement par la critique.
Dans la période précédente : les 4 années d’élaboration publique de RWANDA 94 (Festival d’Avignon 1999), sa création (mars/avril 2000) au Théâtre de la Place à Liège et au Théâtre National à Bruxelles, et sa tournée mondiale. En 2004, RWANDA 94 fut présenté au Rwanda même (Butare, Kigali, Bisesero) dans le cadre de la Commémoration du dixième anniversaire du génocide.
Anathème, créé au Festival d’Avignon 2005 et en Belgique au Théâtre National dans le cadre du KunstenFestivaldesArts, œuvre musicale, visuelle et corporelle, basée exclusivement sur l’Ancien Testament : mises à mort collectives, massacres, génocides directement accomplis par Dieu ou perpétrés sur son ordre formel.
2005, mise en scène de LA MOUETTE (Tchékhov) au Théâtre National (Bruxelles) consacrée par la critique meilleur spectacle de la saison, tournée en Belgique et en France, jouée trois saisons au Théâtre National.
En 2007, mise en scène de BLOODY NIGGERS !d’après un texte de Dorcy Rugamba, création au Festival de Liège en février 2007, puis au Théâtre National et tournée internationale.
Depuis sa création au Festival de Liège 2001, sa réalisation de DISCOURS SUR LE COLONIALISME, d’Aimé Césaire, avec Younouss Diallo, voyage dans le monde entier, de la Nouvelle Calédonie au Bénin.
En dehors du GROUPOV, Jacques DELCUVELLERIE a porté à la scène des auteurs classiques (Racine, Molière) et contemporains, notamment la création mondiale de l’opéra MEDEA MATERIAL d’Heiner Müller, musique de Pascal Dusapin au Théâtre Royal de La Monnaie à Bruxelles.
Sur le plan de la pédagogie, Jacques DELCUVELLERIE enseigne au Conservatoire Royal de Liège depuis 1976 où il a créé quelques années un Studio expérimental. La question de la formation permanente de l’acteur a été au centre de la réflexion et de la pratique du GROUPOV dès sa fondation. En 2001, il a dirigé un stage consacré à la mise en scène pour des artistes africains d’une dizaine de pays à l’invitation du Festival International des Théâtres Francophones (Limoges).
Jacques DELCUVELLERIE a également fait partie de la première édition de l’Ecole des Maîtres, fondée par Franco Quadri (avec Jerzy Grotowski, Anatoli Vassiliev, Jacques Lassalle, etc). Il a ensuite dirigé la session 2002 de cette Ecole en Italie et à Liège, avec des acteurs français, belges, italiens et portugais sur le thème du théâtre et du chant épique brechtien.

Lien vers le site du GROUPOV ici