Générique / « Je suis homme, né (…) »

Textes, mise en scène et vidéo : Céline Astrié
Musique : Christophe Ruetsch
Lumières : Xavier Lefrançois
Cadreur : Cédric Messemanne
Avec : Maylis Bouffartigue, Kaman Camara, Patrice Tépasso
et la participation de Danielle Catala
Technique et administration : Stéphane Vidal 



Production :
Nanaqui
Co-production : 
  Théâtre Garonne / scène européenne et l’Usine, lieu conventionné dédié aux arts de la rue Tournefeuille / Grand Toulouse
Partenaire : Le Ring
Soutiens : la DRAC Midi-Pyrénées, la Région Midi-Pyrénées, La Ville de Toulouse, le Conseil Général de la Haute- Garonne
Prêts de salle : Théâtre Sorano, Mix’art Myrys à Toulouse



diaporama "Je suis homme, né (...)" - 2013 from Cie Nanaqui on Vimeo.

Présentation

« Je suis homme, né (..) » met en scène l’énonciation humaine.


La pièce ne suit pas le déroulement d’une narration, l’action se déploie dans ce qui figure le rythme silencieux d’un jour terrestre :  la nuit et le jour. Sur scène s’enchaînent plusieurs tableaux épurés et minimalistes qui débutent dans la boîte noire de notre psyché. Un inconscient qui a les dimensions du monde. Au milieu du vacarme et de l’agitation qui clôturent les premières minutes du spectacle, une femme vient nous parler dans la nuit du monde.

Elle s’énonce ici en son nom propre et ne joue pas d’autre rôle que le sien. Pourtant ses paroles sont le lieu d’une expérience vertigineuse. Celle du vis-à-vis qu’engage chacun d’entre nous au quotidien dans les rencontres et les trajets qui ponctuent nos journées, tous rendus possibles par ce nom commun qui nous unit.

Cette forme inversée de l’énigme du Sphinx, dérobe le sol sous nos pieds. Elle nous conduit à habiter l’absence de fondement qui préside à notre existence singulière et commune. Elle révèle une forme de solitude et de chance. Dans ce nom, se joue l’expérience du néant et d’une ouverture infinie.

À travers cette énonciation et un salut (de saluer) inauguraux, le spectacle nous conduit à éprouver les limites et le sens d’un partage commun au sein de différents tableaux où le minimalisme et la justesse de l’action engagent le sens de notre posture, devenue quasi anthropologique, de spectateur.
Les présences se succèdent sur le plateau, ce sont toutes des figures extraites du chœur qui habite nos villes. La nuit solitaire, fait petit à petit place à un jour solaire qui évoque ici simplement la lumière de notre quotidien.

La représentation nous conduit vers une demeure, celle d’un présent à la fois singulier et commun. Un présent, le temps d’une journée qui est le lieu d’un partage commun où le sens et les existences se partagent de manière infinie. Une demeure que nous habitons, mais dont nous ne sommes pas propriétaires, où nous passons, où plus tard d’autres viendront nous saluer et emporter la trace de notre nom, lorsque nous n’y habiterons plus.

Genèse

Le titre de cette pièce s’inspire directement de celui d’un poème de Ronsard,  Je suis homme, né pour mourir, une ode à la vie et à Bacchus.

« Je suis homme, né (… ) », le titre met en scène l’énonciation humaine comme geste premier.
Que signifie répondre de ce nom aujourd’hui ? Que signe cette énonciation commune au sein de ce qui est moins une communauté qu’une  société des individus ?

Cette affirmation, il n’appartient pas à la politique ni au droit ni même à la science de la penser. Cette tâche est celle de l’art, de la pensée sous toutes ses formes, qui sont les lieux du procès infini du sens et de la signification. Un procès dont l’homme et la question humaine sont à la fois l’enjeu, le sujet et l’objet.

Le lieu où l’homme s’affranchit de sa détermination d’être vivant pour se risquer dans l’épreuve de sa propre formulation.  Épreuve qui est aussi celle de sa liberté. C’est un geste qui nous renvoie au politique au sens où il éprouve une manière d’habiter le monde, où il trace un partage de l’espace, du temps, du sens, des individualités.

La mise en scène de cette énonciation ouvre donc la question du propre, de l’identité et du commun. Elle renoue avec la matrice politique, poétique et métaphysique du théâtre. Instant privilégié où l’homme entre dans un rapport infini avec lui-même. Infini au sens de sans terme et sans commencement.

L’Histoire nous amène aujourd’hui à nous questionner de manière inédite, mondiale, mondialisée, sur le sens de notre « humanité », sur celui de notre « manière d’habiter le monde ».
Ce travail est une affirmation politique.

Cette pièce prend donc naissance au fondement sans frontières et sans principe du nom « homme » tel que nous l’avons posé et à partir duquel se décline les règles d’un vivre ensemble qui s’étend aujourd’hui de manière mondiale.
Il n’y a donc pas de personnage dans cette pièce, pas de représentation de l’homme non plus, mais la mise en scène de l’énonciation de « n’importe qui » et de l’espace qu’ouvre cette dernière.
La question ici n’est pas celle de l’irreprésentable ou de la fin de la représentation, lesquelles nous renvoient au règne de l’extériorité, mais plutôt d’une ouverture et d’une indécision qu’il n’appartient qu’à nous de relever, d’affirmer dans le partage commun et infini du sens de nos vies.

Libre de toute représentation, l’art se joue et se figure ailleurs, dans le trajet du regard du spectateur, dans le « partage sensible » que trace une œuvre au sein d’un tissu mental, social, politique forcément partagé.

C’est aussi pour cela que le déroulement de la pièce ne suit pas celui d’une intrigue où d’un récit, il ne se déduit pas non plus du sens de l’enchainement des actions scéniques, mais il suit celui qui accueille et laisse cours à nos rencontres et parcours quotidiens. Il s’agit du rythme cosmique que nous habitons, celui de la révolution de l’astre terrestre qui nous offre l’alternance du jour et de la nuit.
Car, le socle physique et terrestre de l’espace et du temps ne nous adresse rien, n’a rien à nous dire, n’est porteur d’aucun sens. La matière et le vivant nous adressent leur silence en partage et cette cohabitation quotidienne, nous la nommons « monde ». Le monde, ses rythmes, ses couleurs, ses climats, sa multiplicité et ses multitudes, que nous traversons, qui nous traversent, dans leur vérité et dans leur silence, laissent ouvert le sens infini des rapports qui se tissent et se retissent en lui.

Céline Astrié


©Céline Astrié



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